La Fierté Célibataire
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Vers une théorie "moderne" de la régulation économique

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Vers une théorie "moderne" de la régulation économique Empty Vers une théorie "moderne" de la régulation économique

Message  Adso Jeu 15 Jan - 1:31

Adso était sur les routes pour son petit tour de la Franche-Comté. Tandis qu'il marchait à côté de sa mule dans un passage un peu plus difficile du chemin, Quasi, le concierge de la Fierté Célibataire dont il était lui-même Grand-Maître, le suivait en tirant les deux autres mules. Adso n'avait absolument pas l'impression de se livrer à ce que certains appelleraient de la "bue de bien seaux-sceaux" en utilisant le bossu de la sorte, vu que c'était lui qui l'avait embauché, et qui assurait avec ses deniers les principales dépenses de la Confrérie. Après tout, même s'il n'accordait aucune pension à Quasi, il lui paillait bien le gîte et le couvert...

Adso profitait de ce qu'il n'avait que çà à faire pour réfléchir au problème des quintaux de marchandises qui stagnaient depuis de longues semaines sur les marchés sans qu'on voit l'ombre d'une amorce de résolution... Son esprit se mit finalement à vagabonder, comme çà lui arrivait souvent, et il en vint à penser que çà faisait longtemps qu'il n'avait pas eu l'occasion de faire du gros oeuvre dans sa forge : plus de haches, plus d'épées...

Il eut alors une illumination !

Il se précipita vers la mule qui transportait ses parchemins vierges, sous le regard mi-surpris, mi-irrité, et mi-goguenard de Quasi. Puis il monta sur la mule de tête pour pouvoir écrire de façon plus confortable. Mais en prenant soin de laisser Quasi prendre la tête du convoi, pour ne pas avoir à surveiller la mule.

Il se mit à noter sa grande idée, tout en pensant déjà à tous les honneurs qu'elle lui apporterait : on reconnaîtrait enfin mondialement son grand génie, il aurait tout : les chaires les plus prestigieuses dans les grandes universités, qui s'arracheraient sa présence, l'argent, les femmes... quoique... enfin, mieux valait rester plus discret sur ce sujet-là, les professeurs comme les ecclésiastiques étant sensés rester célibataires, voire chastes...

Il nota, tout en se promettant d'en envoyer une copie à l'université de Neaux-la-Belle, pour qu'elle pense à lui pour sa prochaine remise de distinction :


Prémisse 1 : les stocks qui apparaissent sur les marchés proviennent d'un déséquilibre entre les biens produits (ce que nous appelleront "offre", pour faire plus court) et le besoin que la société a de ces biens (ce que nous appelleront "demande"). Ce déséquilibre se faisant évidemment dans le sens de l'offre, d'où la surabondance.

Prémisse 2 : Ce déséquilibre touche en premier lieu les produits de la terre tels que blé, maïs,légumes ou animaux, du fait de paysans trop zélés, qui tirent trop de plaisir à travailler la terre (notons qu'il est peut-être du ressort de leurs chefs spirituels de les décourager d'une telle jouissance, qui ne doit être réservées qu'à ceux, mieux éduqués, qui sont capables de l'apprécier avec tempérance ; mais ceci est un autre sujet). Les déséquilibres qui touchent les biens issus de la transformation de ces produits ne proviennent que de l'incompréhension des choses économiques par les artisans eux-même peu éduqués, dont il s'avère que c'est, pour eux, l'appât du gain qui les conditionne.

Conclusion Préliminaire 1 : il faut donc trouver un moyen d'éloigner temporairement certains travailleurs de leurs champs (ce qui entrainera une baisse de l'offre, qui n'interviendra réellement que si ces personnes ne peuvent plus embaucher sur leurs champs), tout en nécessitant de gros besoins en bien de production (pour générer une hausse de la demande).

Premisse 3 : On pourrait penser que les représentants de certaines castes telles que noblesse, clergé, ou gente soldatesque, qui consomment des denrées mais ne produisent pas par eux-mêmes, sont apparemment inutiles à la société. En réalité ils aident ainsi à réduire l'excédent de l'offre (conséquence des paysans trop zélés, rappelons-le) par rapport à la demande (on peut aussi avancer qu'ils servent le reste de la société en apportant leurs compétences intellectuelles, pour quelques uns, et leur protection, pour la plupart, mais ce point est plus discutable).

Conclusions Préliminaire 2 : Certaines solutions naïvement séduisantes ne résistent pas à un examen approfondi. Ainsi, le massacre gratuit d'un certain pourcentage des producteurs associés à une offre excédentaire serait contre-productif (en plus d'être une offense à Aristote), puisqu'il diminuerait d'autant, si ce n'est plus, la demande.
De la même façon, il apparait illusoire d'augmenter les effectifs de castes telles que la noblesse ou le clergé, ce qui ne contribuerait qu'à dévaloriser leurs membres, et serait de toute façon impossible à réaliser : le nombre de fiefs attribuables est limité, et non-morcelable au delà d'une taille minimale indispensable à leur bonne gestion, tandis qu'il est bien connu que n'importe quel individu n'est pas forcément doté par Aristote de capacités intellectuelles suffisantes pour les études théologiques. De façon générale, il est de toute façon contre-productif d'augmenter le nombre de pasteurs pour un troupeau de brebis de taille donnée : certains se disputeraient sur la direction à faire prendre au troupeau, et d'autres se désintéresseraient tout bonnement de sa conduite. De même le nombre de nobles et de clercs appelés à mener leurs brebis ne peut être augmenté sans conséquences néfastes...

Conclusion préliminaire 3 : Il ne reste donc qu'une seule caste dont on peut augmenter les effectifs sans provoquer de grands troubles économiques et politiques, à condition de trouver à les occuper. Car comme a dit le sage théologien, "de l'oisiveté nait le vice", et en tant que responsables chargé par Aristote de mener le plus grand nombre d'individus au Paradis Solaire, il nous faut bien prévenir le vice.

Prémisse 4 : Il est clair que c'est à la puissance dirigeante qu'il revient de mettre en oeuvre cette solution, qui , en plus de nécessiter de grandes quantité de nourriture pour sustenter des masses d'individus, pourrait de surcroit avoir l'heureux effet additionnel de provoquer une forte demande en biens de qualités supérieure (tels que farine et pain, viande, ou autres biens manufacturés tels que ceux issus de la forge), et donc, non content de résoudre le problème de la surabondance, pourrait donner une forte impulsion à l'activité économique.

Conclusion : Aristote dans sa Grande Sagesse a rendu possible une telle solution, il ne tient qu'aux dirigeant temporels de la mettre en application de façon à favoriser une saine activité économique, détourner les paysans de leur plaisirs coupables, et fournir à de nombreux aristotéliciens une occupation qui les détournerait du vice.

Ce texte étant avant tout destiné aux clercs lettrés, dans le but de leur faire reconnaître son érudition et son intelligence, Adso avait cru bon de glisser quelques remarques destinées à flatter leur ego. Que cela puisse flatter le sien par la même occasion n'entrait pas en ligne de compte, bien entendu...

En y réfléchissant bien, Adso se dit que tout ce que cela suggérait n'était peut-être pas forcément très aristotélicien, contrairement à ce qu'une première analyse donnait... Oh, et puis zut, de toute façon, seuls quelques lettrés comprendraient, c'était tout ce qui comptait. Et si la gloire intellectuelle était à ce prix, et bien, il fallait le payer. D'autant que ce ne serait pas lui qui s'occuperait de payer, mais les autres. Et de toute façon, s'il ne révélait pas cette merveilleuse découverte lui-même, quelqu'un finirait bien par avoir la même idée et la publier. Même si Adso avait le don d'être toujours en avance sur son temps, tout délai pouvait laisser au temps la possibilité de le rattraper.

Quelle ne fut pas sa surprise en arrivant à Dole de constater que certains semblaient désireux de mettre déjà sa formidable idée en application ! Il ne fallait pas perdre de temps s'il ne voulait pas qu'on l'accuse ensuite de s'être simplement inspiré des événements. Il fallait faire date. Il placarda donc sa thèse sur la place publique sans attendre davantage. Il aurait pu peut-être en améliorer le style ou certaines tournures logiques, mais encore une fois, sa carrière intellectuelle était en jeu.
Adso
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